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29/11/2021

> Energie

Naissance d'une deeptech française du nucléaire 4ème génération

Répondant à l'ambition affichée par le gouvernement de relancer une filière nucléaire de nouvelle génération, plus sûre et plus éco-responsable, l'annonce de la création de Naarea, startup porteuse d'une technologie de micro-réacteurs nucléaires en sels fondus consommant des déchets nucléaires actuellement stockés, arrive à point nommé.

Si le nucléaire est une énergie décarbonée, les problématiques d'approvisionnement en combustibles, mais surtout de gestion des déchets de ces combustibles en fin de vie ainsi que les sujets de sécurité ou même de manque de flexibilité avec des centres de production centralisés, créent autour de cette filière de nombreuses réticences. Ce sont justement ces réticences que la startup Naarea qui annonce ce jour sa création entend faire sauter avec une proposition technologique cochant tous les arguments d'éco-responsabilité : une décentralisation possible avec des micro-réacteurs, une réduction des risques avec des réacteurs fonctionnant à pression ambiante et sans aucun risque de surchauffe et enfin la réutilisation de combustibles nucléaires usagés et de thorium (déchet minier non utilisé et très largement disponible), permettant de ne pas dépendre d'approvisionnements lointains et surtout de ne plus produire de déchets nucléaires à vie longue. Les seuls déchets produits en fin de cycle (10 ans) seront ainsi des déchets nucléaires à vie courte, équivalents à ceux des déchets nucléaires hospitaliers, donc plus facilement gérables.

Cette solution, c'est la voie des réacteurs en sels fondus. Etudiée depuis de très nombreuses années, elle revient clairement en tête des technologies à très fort potentiel pour l'avenir, parmi quelques autres approches dites de "4ème génération". En effet, les combustibles fissibles (donc des déchets industriels nucléaires et miniers) sont mélangés dans des sels fondus, des matériaux thermiquement et chimiquement stables qui sont des très bons caloporteurs et servent ainsi à capter et dissiper la chaleur du phénomène de fission. Le processus de fission se passe alors à pression ambiante et sans avoir besoin d'un circuit de refroidissement supplémentaire. D'où une opportunité de développer des unités compactes et aux contraintes techniques moins fortes. Au-delà de ces avantages déjà très importants, le processus a l'intérêt d'être flexible et de générer une température plus élevée qui permet que la centrale produise à la fois de l'électricité mais aussi une chaleur à une température plus adaptée aux besoins industriels locaux et qui peut être mise à profit pour d'autres synthèses (notamment d'hydrogène...).

C'est donc sur ces principes que s'est construite l'offre technologique de Naarea, mais avec la particularité par rapport aux projets en cours dans le monde  d'ambitionner de développer des réelles "micro-centrales" affichant des puissances de seulement 1 à 40 MW. En Europe, le seul projet de réacteur compact en sels fondus et utilisant des déchets est porté par la startup danoise Seaborg (présentée dans GNT n°299 - sept 2019) qui cible des centrales déjà compactes mais de quelques centaines de MW (200  à 800 MW) : en l'occurrence, elle a pour stratégie de développer en premier lieu des centrales sur barges pour le monde maritime accueillant des réacteurs de 100 MW (la première barge prototype en 2024 accueillera 2x100 MW). L'offre que Naarea vise donc à répondre avec des très petits réacteurs (autonomes pendant une dizaine d'années avant le renouvellement du combustible) à des besoins d'alimentation localisés d'industriels ou de collectivités. La startup change ainsi totalement le modèle du nucléaire, en devenant une énergie totalement décentralisée, encore plus complémentaire des ENR intermittentes.  Et pour cela, l'équipe a développé une forme de réacteur baptisé XSMR (Extra-small Modular Reactor), conçu avec des matériaux innovants avec des méthodes constructives additives, permettant notamment de s'affranchir des problématiques d'interfaces mécaniques, soudures et étanchéité.
Naarea bénéficie d'ores et déjà du soutien d'actionnaires privé qui sera complété prochainement par une levée de fonds en cours de finalisation. Elle se fixe pour objectif de produire ses premières unités d'ici à 2030, avec ce positionnement de micro-centrale qui la place plus en complémentarité qu'en compétition directe avec l'autre startup européenne du domaine. Une chose est sûre, cette voie de la production d'énergie nucléaire en sels fondus est une vraie opportunité pour les futurs mix énergétiques décarbonés, en contribuant par ailleurs à réduire les risques mais aussi les stocks de déchets nucléaires dangereux et de thorium (2,3 Mt de stock dans la monde) et à éviter des extractions de ressources naturelles (dont l'empreinte carbone est donc aussi éliminée). Un pas vers une convergence de vue entre détracteurs et défenseurs du nucléaire ?