Des chercheurs de l'Empa en Suisse ont développé une méthode qui permet aux entreprises innovantes d'analyser sur le plan théorique le changement d'échelle et les cibles de marché les plus pertinentes pour leurs nouveaux matériaux. Une méthode validée notamment sur l'exemple de la valorisation des fibres de carottes dans les matériaux composites.
Dans l'optique de développer de nouveaux matériaux biosourcés, biodégradables et recyclages, la question des matériaux composites et de la substitution des fibres de carbone ou de verre par des fibres naturelles reste un défi en dépit de nombreuses avancées. Si certaines fibres, lin, chanvre, bambou... commencent à mieux pénétrer les marchés industriels, de nombreuses voies sont encore à explorer. C'est en particulier le cas pour des nanofibres de déchets de carotte, telles que celles développées par la société écossaise Cellucomp Ltd dans le cadre d'un projet européen.
Pour cette société innovante, le centre de recherche suisse sur les matériaux EMPA a mis en oeuvre une méthode appelée SPAS (Multi Perspective Application Selection) qui vise à identifier dans quels secteurs les nouveaux matériaux peuvent être utilisés de manière techniquement et économiquement judicieuse, en tenant compte du caractère écologique réel du matériau produit à une échelle industrielle. Cette analyse repose sur trois niveaux : la définition des applications possibles en fonction des propriétés techniques du matériau et ses capacités à se substituer à d'autres, la faisabilité technique à l'échelle industrielle pour obtenir un matériau homogène dans le temps, à un coût abordable (selon le marché cible, luxe ou grand public) et répondant aux normes, et enfin le caractère réellement écologique du matériau sur son cycle de vie. Cette analyse est ainsi faite au plan théorique en pensant une production à l'échelle de 5 tonnes.
Pour la technologie de production de nanofibres de carottes, cette analyse a servi à cerner quelques aspects clés d'une future filière, notamment l'origine des carottes (résidus ou carottes fraîches), quelques éléments de process (recyclage de solvants, désactivation d'enzymes etc.). Au final, pour la production de fibres à partir de déchets de carottes, l'analyse de l'Empa a permis d'identifier six segments de marché qu'il vaudrait la peine d'étudier plus en détail : les équipements de protection et le matériel de sport (casques de motocyclistes par exemple, ou planches de surf), les meubles (on parle de tables de salle à manger), des véhicules spéciaux, des biens de consommation de luxe (enceintes acoustiques) ou des moyens auxiliaires de production industrielle (nattes de protection pour l'industrie du marbre).
A noter que la société CelluComp a ouvert en mars sa première bioraffinerie permettant de produire des matériaux innovants à partir notamment de déchets de carottes, proposant désormais au marché le Curran, composant pouvant déjà apporter durabilité et renfort à des formulations pour peintures ou revêtements, avant de cibler de nouveaux marchés applicatifs.
Contact :
roland.hischier@empa.ch